Poème illustré par un tableau de :
Man Ray
(1890-1976)
Honoré le pêcheur vivait au Lavandou.
Honoré ? Il l’était ! Car notre pescadou
Etait le géniteur de quatre jolies filles :
Madelon, Magali, Marguerite et Camille.
Camille était bizarre : elle adorait nager
En ces temps où la mer suggérait le danger !
Sujette émerveillée d’une étrange passion,
Elle aimait plus que tout l’univers des poissons.
Mais ce qu’on ignorait, c’était que la donzelle
Cachait farouchement un don exceptionnel :
Quand elle était sous l’eau, elle y pouvait rester
Tout comme les tritons, sans devoir respirer !
Pratiqué chaque jour et quel que soit le temps,
Ce rite paraissait tout de même inquiétant…
Et quand cette manie tourna à l’obsession,
Honoré le pêcheur, se posant des questions,
Ordonna à ses soeurs de la mieux surveiller :
Il leur fallut deux jours pour trouver son secret…
Et à lui un instant pour enjoindre à sa fille
D’en faire profiter sa nombreuse famille :
Camille irait nager aux tréfonds des grands fonds
Pour rabattre vers lui ces énormes poissons
Nombreux comme, dit-on, grains de sable à l’Anglade :
La fortune assurée contre une promenade !
Sous les yeux sidérés de toute la tribu,
Elle se rebiffa, outrée et fort émue :
« Père, je suis marrie de vous désobéir ;
Mais jamais, mes amis, ne pourrai les occire ! »
Et puis elle plongea définitivement
Au sein de cette mer aimée passionnément :
La Méditerranée devenue son royaume
Qui lui fit oublier l’indignité des Hommes.
Elle y vit désormais comme une vraie poissonne,
Ne devant rendre compte à rien ni à personne.