Poème illustré par un tableau de :
Jules Breton
(1827-1906)
Balançant en douceur ses longues vagues molles,
La Méditerranée brinquebale un espar,
Un gros morceau de bois perdu dans le brouillard
Qui brouille la mer bleue. D’immenses oiseaux volent
Au-dessus de l’esquif agité par le vent.
Sur le vieux bois flotté, une mouette blanche
S’agrippe ongles et bec aux saillies de la planche
L’entraînant bien trop loin, là-bas, vers le Levant.
Elle est toute fripée, et l’une de ses ailes
Pendouille lamentable au dessus des flots noirs
Où l’espar chahuté par la brise du soir
Bouge au rythme de l’eau comme une balancelle.
C’est un grand oiseau blanc que son membre cassé
Empêche de voler, et les vagues qui dansent
Font valser le billot qui tourne et se balance
Sous le grand vol piaillant des gabians* excités.
La Mort n’est pas bien loin. La mouette épuisée
Essaie de résister, quand un grand paquet d’eau
L’envoie sur un rocher, bien loin de son radeau
Remporté par la mer gonflée par la risée.
Que va-t-il advenir du bel oiseau blessé
Déposé pantelant et si las sur la roche ?
De la mouette blanche et têtue qui s’accroche
A sa petite vie, sans jamais s’en lasser…
Seul Neptune le sait ! Et peut-être que l’âme
De notre naufragée s’en va voler là-haut,
Au plus haut du Zénith, vers le ciel des oiseaux ?
Comme un petit soleil, une nouvelle flamme..
* Nom donné aux mouettes en Provence