Dessinée à gros traits sur le ciel délavé
Par une lune grise au cercle inachevé,
La maison des Thibaut a l’allure tragique
Qu’aurait sur la garrigue un mas fantomatique.
Son long mur est percé par des fenêtres noires
Comme des yeux creusés sur un crâne d’ivoire.
Il luit sinistrement sous les rais de lumière,
Qui, pleuvant de la lune, éclaboussent ses pierres
D’un éclat fade et bleu sans aucune chaleur.
On l’a peint autrefois d’une terne couleur
Qui ne l’égaie en rien. Auréolée d’argent,
La maison semble vide, et sous le firmament
Elle est comme une coque où ne vivrait plus rien.
La seule vie ici, jusqu’au petit matin,
C’est le ballet feutré de trois chauves-souris
Effleurant de leur vol la bâtisse endormie.
Le mas est presque mort. Tout le monde est parti,
Si ce n’est l’Antonin, un vieillard dont on dit
Qu’il est devenu fou à force d’être seul.
La nuit pèse sur lui comme un morne linceul…