Poème illustré par un tableau de :
Rozen Jelka
Sur l’autre rive, au Sud, et pas bien loin d’Alger,
Une onde s’est formée, presqu’une vaguelette :
Une ondulation bleue, sans vraiment queue ni tête,
Qu’un coup de sirocco s’est mis à malmener ;
En la brutalisant, il l’a crêtée d’écume
Et l’a fait tournoyer jusqu’aux confins du jour ;
Tout étincelé d’or, de moire et de velours,
Un clapotis très fort comme frangé de plumes.
Puis la vague a grossi. Enorme, elle a gagné
Ce large fascinant où vivent les sirènes
Qui montent quelquefois des abysses d’ébène
Pour louer le soleil et mieux le contempler.
Elle a filé tout droit, toujours plus écrasante.
Infini flot sans borne, apte à submerger tout,
Chahutant au passage, aussi pervers que fou,
Une barque chargée de familles errantes…
Puis lassée d’elle-même, elle a enfin faibli ;
Scintillant au soleil, elle s’est étalée,
Entraînant dans son flot une horde irisée
De poissons pétillants vers notre chaud Midi.
Un immense courant, une vague géante
Partie de l’Algérie, s’affalant doucement
Sur le sable doré, plage des Catalans :
Une lame inouïe… terrassée par la pente
Pourtant si faible ici, pas bien loin du Vieux Port.
Il n’en subsiste plus qu’une légère houle
Qui s’en vient caresser une innombrable foule
De corps si avachis qu’ils en paraissent morts.