Entre La Barben et Lançon,
Il est une vieille maison :
Vieux mas dévoré par le lierre,
Tout écroulé, et dont les pierres
Roulent parfois dans la garrigue
Quand le mistral danse sa gigue.
Pourquoi l’a-t-on abandonnée,
Cette ruine aux murs éboulés
Toute mangée par les orties ?
On conte que certaines nuits
Sous la face livide et blonde
De la pleine lune bien ronde,
Les murs se redressent tout droits
Comme ils devaient l’être autrefois ;
Ils sont de nouveau bien vivants,
Solides, fiers, chaulés de blanc.
Des gens étrangement vêtus
Vont et viennent. Des enfants nus
Jouent et babillent en riant
Autour du mazet tout fringant :
La joie de vivre et la gaîté
Toute simple d’un soir d’été …
Quand soudain jaillissent de l’ombre
De hautes silhouettes sombres,
Et c’est l’horreur, et la folie :
Feu, gémissements, viols et cris !
Les monstres incendient le toit
Puis s’enfuient, emportant leurs proies.
A l’aube bleue, quand le coq chante,
Toutes les ombres qui le hantent
Se dissolvent autour du mas.
La lumière efface les pas
Des barbaresques d’autrefois ;
Mais l’ombre où rôde encor l’effroi
Flotte toujours tout autour des ruines
Aux pierres brodées d’églantines.