Poème illustré par un tableau de :
Prosper Alerne
(1836-1922)
C’est un torrent alpin qui se sent corseté
Par les rochers aigus de la haute montagne ;
Il dévale la pente et court vers la campagne
A l’horizon, là-bas, au Sud ensoleillé.
Il éructe en crachant d’énormes tourbillons,
Et des geysers mousseux retombent en cascades
Sur ses berges rongées par la dégringolade
De l’eau puissante en rut. Il court dans des canyons
Blanchis par le soleil y dardant ses rayons
Presqu’à longueur d’année en vibrant de lumière.
Il va tout droit devant, et il charrie des pierres
Arrachées aux sommets, grondant à l’unisson
Des vagues enragées se ruant vers l’aval.
Devant, toujours devant ! Arriver au plus vite
Dans la plaine du Sud où un rêve lévite
Comme un mirage bleu : l’accouplement brutal
A l’énorme Durance. Le torrent qui bondit
Se fracture en milliards de blanches gouttelettes,
Et l’eau échevelée que le vent fou écrête
Saute de roc en roc comme un bouc en folie.