La ville est bien tranquille et fait sa chattemitte
Dans le petit matin. Doux comme au mois de mai,
Le temps s’est fait bénin et l’on peut respirer :
L’été se calme un peu, aussi faux qu’hypocrite,
Comme un énorme chat qui a rentré ses griffes.
Il est encor très tôt. Etrange, ce Prado
Vide de toute vie ! L’on fait couler de l’eau
Pour nettoyer la rue, et le vent l’ébouriffe
En jets arachnéens qui tout doux s’éparpillent.
Marseille dort encor, sage comme un enfant
Qui a clos ses longs yeux et fait mine en jouant
De feindre la sagesse. Là-bas, les flots myrtille
De la mer qui frémit affriolent la plage
D’un léger chatouillis. Le sable étincelant
Sous les premiers rayons du soleil renaissant
Est encor propre et net, n’ayant subi d’outrage
Que d’un chien divaguant qui a perdu ses maîtres.
Marseille dort encor. On dirait qu’il est mort
Tant il semble engourdi sous sa coupole d’or…
Une heure ou deux peut-être, avant que de renaître ?