Poème illustré par un tableau de :
Vilhelm Hammershoi
(1864-1916)
Au Mas du Bois Perdu, pas bien loin de Fuveau,
Il y a une chambre où l’on ne va jamais
Qu’avec grand’réticence. Elle est bien verrouillée
Et sa porte fermée semble clore un tombeau.
Comme il faut quelquefois faire un peu de ménage,
La maîtresse des lieux entr’ouvre les volets
Pour laisser malgré tout la lumière y entrer,
Mais elle a l’impression de commettre un outrage ;
Car tout doit y rester à peu près dans l’état
Où était cette pièce au moment où Babet
En disparut un jour, un beau matin de mai :
Sa fille, évaporée, qu’on ne retrouva pas !
Du jour au lendemain, effacée à jamais,
Envolée dans la nuit sans qu’on sache pourquoi ;
Qui riait sans arrêt, pétillante de joie,
Et faisait le bonheur de tous ceux qui l’aimaient !
Nul n’a jamais compris. Quand on s’est arrêté
De rechercher l’enfant, ses parents se sont tus ;
Mais ne pouvant admettr(e) qu’ils ne la verront plus,
Ils pensent qu’un matin ils vont la retrouver
Sagement allongée au creux de son grand lit,
Aussi vive et jolie qu’elle était autrefois ;
Qu’ils ouvriront leurs bras, cachant leur désarroi ;
Et, sans lui demander pourquoi elle est partie,
Qu’ils reprendront le cours de leur pauvre existence.
Ils espèrent toujours, même s’il ya vingt ans
Que le drame a eu lieu. Patiemment l’on attend.
N’est-ce point ce déni qu’on nomme l’Espérance ?