Le Robot s’impatiente en attendant l’Humain
Qui le sert depuis peu. Il ne lui passe rien
Et ne ressent jamais le moindre sentiment,
Ainsi constitué depuis plus de cent ans :
Ni pitié, ni amour, ni aucune émotion.
Si vous l’examinez, il ressemble à un Homme,
Mais il n’a point de cœur, et il est bâti comme
Le sont tous ces robots aux multiples fonctions.
Il n’a aucun organe, ni os ni même chair.
Bien qu’il ait l’air vivant, il est fait d’un plastique
Quasi invulnérable ; et s’il est identique
Aux Humains, il n’en est plus jamais l’auxiliaire
Puisqu’un jour, sans calcul, il a pris le pouvoir,
Sans jamais batailler ni vraiment le vouloir,
Sur ceux qui, insouciants, lui ont permis de naître.
Son absence d’affect a fait de lui leur maître.
Il n’est qu’intelligence, et il veille surtout
A ce que tout soit fait toujours selon les règles.
Il ne se soucie pas de cet être si frêle
Qui le conçut jadis. Indifférent à tout
Ce qui n’est point profit, autrefois asservi,
C’est un maître très dur qui, s’il est mal servi,
Quel que soit le motif, se montre impitoyable
Envers ces êtres mous et pour le moins minables.
L’Homme qui tardait trop est enfin apparu.
Il a l’air fatigué, il est maigre, il est nu.
Bien que sans cruauté, le Robot n’en a cure :
C’est trop de temps perdu ! Et d’une main très sûre
Il abat son esclave, appelle un autre Humain
Pour emporter ce corps qui pour lui n’est plus rien
Qu’un objet dérangeant ! Puis il reprend sa tâche
Un temps interrompue. Jamais rien ne le fâche
Puisqu’il n’éprouve rien. Rien ne compte pour lui
Que la tâche assignée par ces ex-ennemis
Qui l’ont conditionné et fabriqué : les Hommes,
Devenus par ses soins de vraies bêtes de somme.