Poème illustré par une peinture de :
Rogier van der Weiden
(vers 1400-1464)
Il le faudrait, pourtant ! Il faudrait oublier
Ce cruel coup du sort qui vous a démolie :
Cette épreuve imprévue qui a tout bousillé,
Telle un vaste ouragan ravageant votre vie,
Combien, combien de temps allez-vous y penser ?
Pourquoi ne point pouvoir chasser de votre esprit
Ce malheur lancinant qui s’est ensemencé
Comme un germe importun dans votre coeur meurtri ?
Vous avez l’impression que le monde a changé
Depuis ce cataclysme… Oh, comme le temps passe !
Depuis, vous essayez peu à peu d’émerger
De ce puits de douleur ! Oui, mais rien ne s’efface
Car le drame pour vous, c’est d’avoir la malchance
De ne rien oublier ! Et comme votre cœur
Est pris dans un filet, une énorme souffrance
L’entraîne tout au fond d’un gouffre de douleur.
Pourquoi tant de tourments englués de regrets ?
Revenez à la vie : rien n’est inéluctable !
Le temps s’en va couler, et contre votre gré,
Rongera doucement cette peine implacable.
Il fait encor très beau, mais vous préféreriez
Que le temps soit plus gris dans le ciel de Provence.
L’amertume résiste, à peine contrariée
Et ressentie sans doute avec bien trop d’outrance.
Là-bas, le soleil luit sur la Tête de Chien*
Comme un citron auburn. C’est la fin de l’automne,
Un automne assorti à votre grand chagrin
Qui ne se peut chanter qu’en notes monotones…
- Sommet de la Haute Provence