Poème illustré par un tableau de :
Claude Monet
(1840-1926)
Grise comme l’étain, la mer est aussi plate
Qu’un gigantesque étang sous le ciel incolore.
C’est le petit matin ; Marseille dort encore.
Des collines foncées une boule écarlate
Commence à émerger, dépourvue de rayons :
Il est encor trop tôt. Les rues ensommeillées
Semblent inhabitées, mais quelques Marseillais
Y promènent déjà un saut du lit bougon.
Marseille est grisailleux – les maisons, les bateaux,
Sous la lumière terne encor bien économe.
Le temps est tristounet. Boitillant, un vieil homme
Balade à petits pas, boulevard Rabatau,
Une chose poilue qui ne ressemble à rien.
Peut-être la sort-il très tôt car il a honte
D’une telle laideur ? Du caniveau gris montent
Des effluves exquis qui excitent le chien
Et le font frétiller comme un tout jeune chiot…
Puis soudain le soleil point au-dessus des toits
En rayons embrasés qui provoquent l’émoi
Et l’envol gazouillant de milliers d’étourneaux.
Le matin triomphant se faisant plus bruyant,
La courte nuit d’été s’en va tourner la page
Et la ville éveillée mener un grand tapage.
Un bateau en partance hulule longuement…