Poème illustré par un tableau de :
Pieter de Hooch
(1629-1684)
Dédié à mon ami Denis, maître ès-armoires
Je me souviens parfois d’une vieille maison,
Un souvenir d’antan qui hante ma mémoire…
Et dans son grand salon, une très vieille armoire
Dont la taille et le poids défiaient la raison,
Si lourde que jamais l’on ne l’avait bougée !
On l’avait tant cirée qu’elle sentait très bon :
Encaustique, fumée, remugles moribonds
Des odeurs du passé. Des piles bien rangées
De draps blancs ou écrus lestaient les étagères
Qui ployaient sous leur charge. Inutile trésor,
Mais fonds très important car on aimait alors
Que rien ne soit mesquin ni pris à la légère.
Elle était en noyer, ciselée à merveille
Par un vieil ébéniste qui avait pris son temps ;
D’un style campagnard, comme celui d’antan,
Ingéniosité à nulle autre pareille !
Il arrivait parfois qu’au cours de la soirée,
Son vieux bois fatigué émette un craquement.
Un soupir dû à l’âge ? Ou le gémissement
De l’arbre d’autrefois à l’âme torturée
Par le sort en faisant un meuble pour les Hommes ?
Bien piètre devenir pour l’immense noyer
Si puissant que jamais rien n’avait pu pousser
A son pied de titan ! Car qui faisait un somme
Sous son ombrage vert était empoisonné,
D’après les racontars… Mais le vieux meuble antique
N’était plus qu’une armoire usée et pacifique
Dans un très vieux salon au charme suranné.