Au zoo de La Barben est arrivé hier
Un animal bizarre à la bouille marrante :
Un nez en caoutchouc, de gros yeux amarante,
Tout au moins roux foncé dans le soleil d’hiver ;
Et trois griffes aiguës au bout de chaque patte,
Ressemblant tout à fait aux serres d’un oiseau.
Très vite devenu la vedette du Zoo,
Ce drôle d’animal depuis lors nous épate
Par sa lenteur extrême et son flegme étonnant.
Toujours la tête en bas, il pendouille d’un arbre,
Tellement pétrifié qu’on le dirait de marbre,
Mais du marbre en peluche. Un bestiau détonnant
Parmi ses compagnons beaucoup plus vraisemblables.
Son pelage est verdâtre – ainsi le voit-on moins
Dans sa forêt d’ailleurs ! Il va au petit coin
Tous les sept ou huit jours. C’est inimaginable,
Mais faut voir ce qu’il mange : un amas filandreux
De feuilles en béton ! Enfin… tout aussi dures !
« Paresseux » est son nom. Pendu à sa ramure,
Son inactivité semble le rendre heureux…
L’on devrait le copier et rester immobile.
Non pas la tête en bas, mais au creux de son lit.
Se détacher de tout. Aller jusqu’à l’oubli
Total et délicieux au cœur de la grand’ville.
Faire le paresseux et ne penser à rien.
Ne plus bouger du tout, captif de sa paresse.
Ne plus rien ressentir, ni plaisir, ni tristesse.
Être seul, apathique, égoïste. Etre bien…*
*Appelé aussi : un « aï «