Sur la Touloubre en crue trois feuilles dodelinent,
Trois bateaux si légers qu’il paraît inouï
Que les eaux agitées n’aient point anéanti
Leur gracile châssis. L’une d’elles est violine,
La seconde orangée, la troisième incarnat :
Un fort joli trio qui descend la rivière
Dont les flots agités brimbalent la lumière
D’un été qui s’éteint. Non loin de Saint-Cannat,
Le ruisseau fait un coude et le flot ralentit.
En profitant alors, trois hôtes intrépides
Abordent les esquifs. Insectes trop stupides
Pour prévoir l’accident qui leur est garanti
Si le courant s’accroît ? Ce sont trois coccinelles
Du début de l’automne, et leur probable fin
Ne leur a point ôté cette éternelle faim
D’un Ailleurs inconnu. Leurs obscures ocelles
Bougent fort joliment au rythme fou de l’eau.
Vont-elles s’envoler de leur barque fragile,
S’estimant tout à coup beaucoup trop malhabiles
Pour rester accrochées à ce frêle rafiot ?
A l’entour de la mort, les feuilles ont senti
Qu’elles portaient la vie. Elles gagnent la rive,
Y déposent leur faix, puis filent sur l’eau vive,
Voguant vers le destin leur étant imparti.
Posées sur un roseau, les jolies coccinelles
Se sont figées un temps juste au-dessus de l’eau
A contempler les feuilles voguant sur les flots
Qu’un ultime soleil émaille d’étincelles.
Puis, prenant leur envol, elles ont regagné
Ce monde merveilleux qui leur est assigné.