Oh là là, me voici de nouveau en voiture,
Et l’on va s’acharner à me faire souffrir
Sans aucune pitié, malgré tous mes soupirs !
Pourquoi donc chaque mois cette mésaventure ?
Pourquoi le Dieu des chiens m’a-t-Il fait naître ainsi,
En me faisant cadeau d’une blanche fourrure
Qui n’est, pour dire vrai, qu’une déconfiture
Tant elle est salissante! Oh, Il m’a réussi,
Mais je dois éviter de me rouler par terre,
De baver en mangeant, de me pisser dessus,
De marcher dans la boue, de me lécher le cul,
Comme l’ont toujours fait la plupart de mes frères,
Sinon, c’est la cata ! L’on me traîne aussitôt
Chez Jean le toiletteur : c’est là que tout commence ;
L’on dirait que me voir le fait entrer en transes !
Et je n’ai pas le temps de sortir de l’auto
Qu’il se jette sur moi ! En avant la toilette…
Il me brosse, m’emmousse et me lave et m’essore,
Cisaille mon beau poil, et puis que sais-je encore !
Un tas d’humiliations, à en perdre la tête…
J’ai beau être furieux, tout espoir est défunt
De le mordre un bon coup : j’ai une muselière !
Et quand il a chiadé l’avant comme l’arrière,
Pour m’avilir encor, il me met du parfum !
Ce pauvre bougre, c’est Nestor ! Le plus brave chien que la Terre ait jamais porté…