L’Esprit de la Montagne a mis son habit blanc :
Il a forcé la neige à tomber de bonne heure,
Dès le premier novembre ! Et en s’accumulant,
Elle noie les rochers dont les sommets n’affleurent
Qu’à peine de la terre. Incroyablement bas,
Le ciel gomme les hauts du pic de Rochebrune.
Les branches des mélèzes, semblables à de gros bras,
En sont emmitouflées ; et une énorme lune
S’étale sur le ciel du début de la nuit.
Le vent s’est endormi, mais les flocons voltigent
Sans son souffle irritant et sans faire aucun bruit :
Le silence est si grand qu’il donne le vertige !
Comme si l’on avait crevé un édredon,
Les flocons argentés planent comme des plumes.
La neige émoustillée danse le rigodon,
Ballet silencieux sous le ciel où s’allument
Des étoiles bleutées comme des lumignons.
Tout va donc pour le mieux. L’Esprit de la montagne
Réintégrant son nid n’est plus aussi grognon
Car l’hiver suit son cours, la neige l’accompagne…