Poème illustré par un tableau de :
Claude Monet
(1840-1926)
Au fond du vallon gris criquetant de cigales,
La Touloubre est tarie ; et seul un filet bleu
Y serpente au milieu de rocs en camaïeu
D’ocre, de blanc, de beige irisés par l’opale
Du ruisseau moribond presqu’exangue aujourd’hui.
Il n’a pas assez plu au printemps. L’eau est rare
Et la Provence sèche. Et il est bien trop tard
Pour qu’il y ait encor quelque chance de pluie !
Assise au bord de l’eau qui coule claire et fraîche ,
Je sens son clapotis léchouiller mes orteils.
Il fait déjà très chaud ; l’implacable soleil
Pompe insatiablement le ruisseau qui s’assèche
Et n’est plus qu’un filet enlaçant quelques brins
D’herbe qui se tortille au fil bleu du courant.
L’eau est vraiment frisquette et titille mes dents ;
Il est vrai qu’on n’en est encor qu’à la mi-juin !
Mais l’été sera rude ! Et bientôt le cagnard
Aura bu toute l’eau. Adieu donc les trempettes !
Sous l’arche du vieux pont trois canards qui trompettent
Patouillent dans la boue pour trouver des têtards.