Le ciel lourd a posé une chape de plomb
Sur la steppe infinie où naquit l’âme slave.
Un bouleau, ci et là, profile son aplomb
Sur la plaine pelée qu’une pluie froide élave,
Tout comme ces isbas que le rabot du temps
Les ponçant patiemment va peu à peu détruire.
L’inaction engourdit les bourgades d’antan
Où l’Esprit souffle encor, toujours prêt à séduire
Les cœurs russes enclins à supporter ce spleen
Qui flotte sous le ciel où dansent des mirages.
La steppe est grise et nue sous son voile de bruine
Et le temps pèse lourd au cœur noir de l’orage…
Cependant, c’est partout un éblouissement :
Des coupoles dorées pointant vers les nuages ;
Partout des bulbes d’or, dont le bref flamboiement
Allume des éclairs au fin-fond des villages ;
Des bulbes, des clochers de toutes les couleurs,
Les tons exacerbés d ‘innombrables icônes,
Des fresques décorées d’animaux et de fleurs ;
Du vert, du bleu, de l’or, de l’orange et du jaune
Pour évoquer la vie des saintes et des saints,
Probes et sans défauts, en bandes dessinées ;
Vierges miniaturées, prophètes au front ceint
D’auréoles dorées, statues enluminées…
Ineffable explosion de foi, de dévotion,
Et mystique joyeuse au coeur d’un peuple triste ;
Incroyables yeux bleus embués d’émotion
Ayant excommunié l’impiété communiste…