C’est un géant discret, énorme et débonnaire
Qui règne sur l’Ubaye depuis des millénaires.
Sur sa tête chenue, la broussaille a roussi :
On est presque en hiver. Commodément assis
Au sommet du Chiran*, le Vieux de la Montagne,
Le menton dans les mains, contemple la campagne
Qui s’étend vers le Sud jusqu’au bord de la mer.
Tout est si pollué qu’il a le cœur amer
En voyant les dégâts perpétrés par les Hommes ;
Tueurs du monde bleu : c’est ainsi qu’il les nomme…
Au-dessus des cités stagne un triste brouillard
Maronnasse et malsain. Et il est bien trop tard
Pour que leurs vains efforts maintenant aboutissent.
Sombre et désabusé, le Vieux sent les prémices
D’un crash inéluctable depuis quelque temps
Car l’Homme détruit tout. Il y a bien longtemps
Qu’il court à l’extinction et sa fin est certaine ;
Il s’avère aujourd’hui que toute lutte est vaine…
Voici que le Chiran explose en mille feux ;
Un gigantesque orage aux furieux éclairs bleus
Eclaire jusqu’au coeur le fond de la vallée.
La Nature elle-même est lasse et accablée
Par cet automne fou tellement anormal
Que le Génie a peur. Car il sait que le mal
Est entré dans sa phase – hélas ! définitive.
La débâcle annoncée n’est plus du tout fictive.
Tant pis pour les Humains qui l’ont vraiment cherché !
La Terre libérée va se régénérer…
* le mont Chiran est un sommet des Alpes de Haute Provence