Poème illustré par un tableau de :
Raoul Giordan
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Depuis cent cinquante ans il se tortille et peine
De la mer aux monts bleus qui culminent là-haut.
De Nice à Digne il va et crachote et se traîne,
Le petit train poussif qui fait bien son boulot.
De colline en colline il allait son train fou
De cinq ou dix à l’heure, et les gens descendaient
Pour aller ramasser des pignes dans les trous
Creusés près des rails noirs parfois un peu rouillés.
Puis ils remontaient vite en tendant leur panier
Au comparse prudent qui restait dans le train.
C’était le Train des Pignes, son histoire est contée
Par de vieux journaux gris gardés par les Anciens.
Il va gaillardement et surplombe des gorges,
Passe vingt-cinq tunnels, des viaducs et des ponts
Hallucinants d’audace, et qui parfois dégorgent
De gigantesques crues qui dévalent des monts.
C’est un vieux train bonhomme et qui file à l’allure
D’un vieux cacalaou lancé au grand galop,
Mais au-dessus de lui la lumière est si pure
Que pour mieux la goûter le touriste se taît.
Ses yeux n’en peuvent plus de l’énorme beauté
Des paysages bleus tachés de vert amande,
Des villages perchés, des ruisseaux, des vallées …
Il rôde autour de lui une odeur de lavande.