Poème illustré par un tableau de :
Paul Cézanne
(1839-1906)
L’Honoré de Manon est un atrabilaire
Qui ne supporte rien, pas le moindre avatar !
Toujours à fulminer, à rentrer dans le lard
De quiconque ici-bas chante sur un autre air !
Il rouspète et il grogne ! Rien ne saurait lui plaire
Des menus concoctés avec tant de patience
Par sa femme empressée ! Pas de reconnaissance
Pour son désir constant de toujours trop bien faire !
C’est un vieil ours bourru, ronchon et solitaire
Eloignant de Manon ses amis, sa famille ;
Qui à longueur de temps la presse et la houspille !
Un vrai rouscaillaïre avec un coeur de pierre,
Egoïste et méchant ; râleur sempiternel
Qui n’est jamais content, sans cesse vitupère ;
Pour lui la vie à Trets est une vraie galère,
Et il passe son temps à maudire le Ciel !
Puisque son existence est un si lourd fardeau,
Manon va lui montrer qu’elle a vraiment du coeur
En l’aidant gentiment à partir pour l’Ailleurs,
Pour lui sans aucun doute infiniment plus beau…
C’est par un clair matin, à la fin du printemps,
Qu’elle est allée cueillir dans le fond du jardin
Des feuilles de ciguë. En hacher quelques brins,
Les mêler au civet, ça prend guère de temps…
L’Honoré fou furieux s’est retrouvé là-haut,
Expédié ad patres auprès du bon saint Pierre…
Qui l’a tout aussitôt envoyé en Enfer
Où Satan n’en peut plus qu’il lui casse les pieds !