Poème illustré par :
Paul Cézanne
(1839-1906)
Face à la mer chuintant sa lente mélopée ,
La Plage du Prophète. Elle est tout encombrée
De corps rouges, suintants et striés de rayures,
Etendus touche-touche. Ils sont à point, bien mûrs
Pour des coups de soleil et de grandes douleurs.
On est le premier août, les aoûtiens sont là !
On peut les reconnaître à leur piètre couleur
Et leur teint rose et blanc. C’est un gai brouhaha,
On ne voit plus le sable ; et la mer encombrée
Par de bruyants baigneurs bouillonne, bout, pétille :
Mais elle est hypocrite et fait l’apprivoisée,
Se moquant de la foi de tous ces joyeux drilles !
Peut-être quelque jour va-t-elle se fâcher
En montrant à ces fous qui est le maître ici ?
Mais pour l’instant en paix la Méditerranée
Est comme un lac bénin aux flots bleus assoupis.
Au milieu du tintouin,quelques vrais Marseillais
Bronzés de haut en bas se moquent, indulgents
Pour ces envahisseurs fadas et agités
Leur polluant la plage : eux, ils ont tout leur temps …