La pluie qui flique et floque est froide sur le Brec,
Un Brec sinistre et noir avec ses flancs pelés,
Dévorés par le feu au mitan de juillet.
L’eau dévale en chuintant du ciel beaucoup trop sec
Depuis des mois entiers, obscurcissant encor
Les prairies calcinées par ce fléau si rare
Dans les monts de l’Ubaye, et dont le jeu barbare
A rasé la montagne. On dirait que la mort
A posé sur la pente un grand suaire noir.
Même le doux automne aux doigts multicolores
N’a pas su redonner à la faune et la flore
Un semblant de couleur ou même un peu d’espoir.
La prairie est grillée des vallons au sommet
Car l’herbe s’est muée en des milliers de mèches
Qui ont bouté le feu à la montagne sèche
Comme de l’amadou. Et tout s’est consumé…
La pluie qui flique et floque est un déluge froid
Persistant et glacé… Mais voici que tout change,
Que se produit enfin un imprévu étrange !
Il est bien terminé, ce grain vraiment pervers
Qui mettait en relief les ravages du feu !
La pluie s’est transformée en millions de houppettes
Virevoltant partout en moultes galipettes :
Des flocons-papillons effaçant peu à peu
D’un voile immaculé les stigmates obscurs
Du cataclysme noir. Soudain illuminée
Par ce tapis tout blanc, la montagne renaît
Sous le ciel ranimé où ressurgit l’azur.