Poème illustré par un tableau de :
Henri Rousseau, dit le douanier
(1844-1910)
Assise au bord du ciel, enfin gavée, la Guerre
Contemple rassasiée ce qu’elle a fait en bas :
Dévastation, débâcle, et tant d’autres dégâts…
Et le front couronné de mort et de misère,
Elle branle du chef avec satisfaction.
Elle vient d’envoyer sur les champs de bataille
Ses pires affidés. Pour les soldats qui braillent
D’horreur et de douleur, aucune compassion,
Ni pour ces pauvres gens se traînant sur les routes
Avec un baluchon, leurs enfants sur le dos
Loin des villes en feu, au gré de moult cahots,
Simples petits bonheurs et vie calme en déroute !
Le ventre enfin rempli, l’horrible monstre bâille,
Dévoilant ses crocs noirs tout englués de sang.
Mais son affreux plaisir ne dure pas longtemps
Car jamais assouvie la macabre canaille
A besoin sans arrêt de mort et de malheur.
Chevauchant son balai de néfaste sorcière,
Errant ici et là par toute notre Terre,
Elle sème partout désolation et peur.
Tout est brûlé et nu juste après son passage.
Des femmes saccagées et des hommes en croix
Jalonnent ses chemins. Et seule crie sa voix
Qui dispense partout son sinistre message…
Mais son oeil n’a pas vu sur le bord d’un fossé
L’éclat d’un rameau blanc, fragile et minuscule :
Est-ce une pâquerette ? Une grêle plantule
S’accrochant fermement au sol stérilisé,
Dont la Guerre ignorante a épargné la vie.
Venant juste de poindre hors d’un tas de terreau
Elle explose au soleil, et l’atroce bourreau
Par un simple bourgeon pourrait être asservie !
Car du joli bouton, un monde peut jaillir :
Peut-être bien la joie, et les multiples pousses
D’un tout nouvel espoir venu à la rescousse.
A cause d’une fleur, la Guerre va mourir…