Poème illustré par un tableau de :
Richard Boyer
La place du village est triste ce matin
Car quelque chose y manque. Et bien que le soleil
Y pose un peu partout moultes taches vermeilles,
L’air y est lourd et triste ; on ne s’y sent pas bien.
C’est Marius le bistrot qui a compris pourquoi :
Il a poussé des cris, ameutant tout le monde ;
On s’est précipité de partout à la ronde
Pour connaître la cause d’un pareil effroi :
C’était ce grand silence, si inhabituel !
Plus de joyeux glouglous ni d’éclaboussement :
La fontaine lassée, morte d’épuisement, ,
Son joli pépiement enfui à tire d’aile,
S’était tue dans la nuit. Elle ne coulait plus !
Et elle gazouillait depuis tant de printemps
Que son silence était un vrai chambardement…
L’inquiétude a gagné venelles et grand’rue
Car on vivait un drame impossible à admettre.
On comprenait enfin à quel point la fontaine
Etait le sang si pur qui coulait dans les veines
Du village insouciant dans son petit bien-être.
Il lui fallait vraiment se remettre à jaser,
Quitte à la supplier et tomber à genoux
Pour que l’eau s’en revienne au pied du mont Ventoux…
La fontaine endormie s’est fait un peu prier,
Puis elle a éructé un très léger renvoi ;
Une goutte… et puis deux… Et enfin un filet
Très vite transformé en un énorme jet !
Que d’applaudissements et de cris, quelle joie !
Depuis ce jour d’été, on vient discrètement
Lui offrir galamment de beaux bouquets de lys
Tant on a peur qu’encor elle ne se tarisse !
Les fleurs qu’elle préfère, a-t-elle dit aux gens…