On est le dix janvier. Je viens de découvrir
Dans un rai de soleil qui inonde la table
Une mouche vautrée près d’une délectable
Particule de miel. Le temps de la couvrir
D’un verre renversé qu’hélas ! je m’interroge :
Que vais-je décider pour l’insecte avachi ?
Faire stupidement tout un tas de chichis
Pour ne point trucider l’impudente qui loge
En squatteur culotté à l’abri de mes murs ?
Il faut l’écrabouiller ! Mais elle est centenaire
Puisqu’elle a bien trois mois ! Et, c’est sûr, il s’avère
Que si je la fais fuir, j’aurai le cœur bien dur
Car elle en crèvera : dehors, les nuits sont fraîches…
Une énorme pitié m’humanise soudain,
Mêlée à du dégoût et pas mal de dédain
Envers ma lâcheté ! Je cogite et je pèche
Par trop d’indécision… Le verre est transparent
Et il me semble bien qu’elle me dévisage
Avec ses beaux grands yeux. Qu’est-ce que j’envisage ?
La laisser s’échapper ? Tuer un vétéran ?
La bestiole a vécu des jours interminables
Pour une vie de mouche, en passant tout l’hiver
Au cœur de ma maison. Tiens, elle a les yeux verts…
Je suis apitoyée, et ce serait minable
De la bouter dehors. Je vais donc la sauver…
D’une beigne ou du froid ! Je soulève le verre,
Mais elle est si chenue qu’elle tombe par terre
En bien piteux état.. Il faut donc m’activer
A la réanimer. Faire du bouche à bouche ?
Vous pouvez rigoler : la pauvre fait pitié
Et vient de susciter une grande amitié :
Vous êtes-vous déjà entiché… d’une mouche ?
Allez ! Après ces trois jours tellement graves et sérieux, si on « déconnait » un peu ? Pour rendre hommage à nos amis de Charlie, soyons donc complètement cinglés…