Poème illustré par un tableau de :
Eric Bruni
Au fond de la vallée un voile de brouillard
Palpite sur l’Ubaye. L’air sent déjà l’automne.
La montagne a roussi, et presque chaque soir
Sur ses pentes herbues de longues vapeurs jaunes
S’effilochent au vent sous un soleil blafard
Qui semble avoir compris que c’en est bien fini
De son règne estival et de sa prépotence.
La lumière s’accroche aux mélèzes jaunis
Plantés tout de guingois, et leurs hautes potences
Se détachent en noir sur le ciel infini
Où passent en criant des oiseaux inconnus.
Il fait un peu frisquet. Il n’y a plus personne
Dans les bois encor verts aux sentiers biscornus
Errant de-ci de-là. Et le torrent d’eau jaune
Bondissant jusqu’au bas de tristes rochers nus
N’est plus qu’un ruisselet tant il est maigrelet.
Les chalets délaissés n’ont plus l’air bien joyeux :
Les gens en s’en allant ont fermé leurs volets,
Et l’on dirait vraiment qu’ils leur ont clos les yeux,
Surtout quand il fait nuit, sous le ciel étoilé.
N’ayant plus à charmer, le village se tait.
Seul un renard** trottine au milieu de la rue,
Hantant avec confiance un Sauze* déserté
Où toute vie paraît tout à coup incongrue.
Tout le monde est parti, c’est la fin de l’été.
* Le Sauze : jolie station des Alpes de Haute-Provence
** C’est la mascotte du Sauze, dont il adore les poubelles