Quand parfois le chagrin enténèbre mon coeur,
Il s’approche tout doux, posant ses coussinets
Sur mon front ou ma joue ; et tout pelotonné,
Efface au fond de moi toute haine et rancoeur.
Il est fait de satin, mais sa langue est rapeuse,
Qui gratouille ma peau, en lichant à grands coups
Le douillet de l’épaule, l’arrondi de mon cou.
Puis il tombe endormi sous la couette qu’il creuse
De son corps délicat fourré de poils si doux
Qu’ils semblent faits de soie. Vivante petite ombre
Peinte de miel doré rayé de stries sombres,
C’est un tout petit chat aux immenses yeux roux.
Il s’endort bien lové au chaud dessous ma couette,
Puis se mue en ressort qui dévaste mon lit ;
Il me lèche le nez, ronronne et se blottit,
En nichant dans ma main sa minuscule tête.
Un petit corps tout chaud : quatre kilos d’amour
Griffus à l’infini, hérissés de canines,
De muscles déliés et de grâce féline,
Mais pour moi dévotion et pattes de velours.
Etrange bête aimée, c’est un autre moi-même.
Le chat est magicien : quand il se donne à vous,
Il s’immisce en vos coeurs par un amour si fou
Qu’aucun autre que lui ne dit si bien : « Je t’aime ! »