La maison se sent vaine, elle a perdu son âme :
Les gens qui l’habitaient sont partis vivre au loin,
Des gens qu’elle aimait bien. Des gens sans grand tintouin,
Mais un chouïa cinglés. Des gens tout feu-tout flamme
Et qui déambulaient de la cave au grenier
A longueur de journée… Bruyantes cavalcades
Dévalant l’escalier ; fous-rires en cascades,
Pleurs enfantins, grands cris… Des toiles d’araignées
Pendouillaient sur ses murs ? C’était sans importance,
Et si son carrelage était un peu douteux,
La maison s’en fichait, comme des trucs boiteux
Servant de mobilier ! Mauvais goût et outrance
De la décoration qui ferait frissonner
Le moindre designer ? Elle n’en avait cure,
Préférant au bon goût cette joie que procure
L’insouciance de gens si peu disciplinés
Qu’ils laissaient leurs enfants, leurs chiens, leurs chats, leurs bêtes
Piétiner sans souci son ravissant jardin ;
Lui aussi tristounet, qui se demande bien
Qui viendra y jouer pour prolonger la fête…
Aujourd’hui le mistral agite les volets.
La maison s’en contente : un peu d’agitation
N’est pas pour lui déplaire, et sa rumination
Va s’en trouver distraite… Ils s’en sont tous allés
Pas bien loin du vieux Port, au centre de Marseille.
Il cherchait du travail et il en a trouvé…
La maison est bien vide et triste à en crever.
La garrigue alentour n’est plus du tout pareille…