Sous un olivier gris, indifférente à tout,
Une muse lisait. Les pans de sa tunique
Voletaient autour d’elle, et la senteur unique
De la lavande en fleurs parpalégeait partout
Sur le Plateau doré. Les cigales criquaient,
Mais, hormis le mistral, rien n’aurait pu distraire
La divine Erato. Tourbillonnait dans l’air
La senteur épicée de la terre asséchée
Par des jours trop brûlants ; et le soleil d’été
Tentait bien vainement de taquiner la belle
En dardant sur son cou des salves d’étincelles :
Mais elle s’en moquait : Erato bouquinait !
Autour d’elle la vie et l’énorme chaleur
De juillet déchaîné. Et plus loin Valensole
Prostré dans le soleil décochant des lucioles
De lumière argentée sur les jardins en fleurs.
Paupières mi-fermées et cou laiteux ployé,
Sa tunique troussée sur ses blanches chevilles,
Cheveux entortillés dans un foulard jonquille
Et détachée de tout, Erato ne bougeait
Ni d’un oeil ni d’un cil. « Caprices de ma Muse »*
Etait entre ses mains. C’était Edouard Jean
Qui l’enchaînait ainsi : la splendeur de son chant
Avait fait fuir la Mort à la face camuse !
En l’honneur d’Edouard Jean, un poète valensolais, mort à 31 ans
* L’un de ses deux recueils de poèmes