Le bain de lune

La garrigue dormait, et il faisait si chaud
Près de l’étang de Font qu’on était épuisé
Par l’intense chaleur. Sur la rive gisait
Colas des Aventins, un jeune pastoureau.

C’était un  ciel d’avril, mais d’un vide absolu
Car la Lune échauffée s’était déterminée
A plonger dans l’étang. D’où l’extase étonnée
Du berger éveillé qu’il aurait mieux valu
.
Flanquer au fond d’un lit : la Lune n’aime pas
Qu’on remarque à quel point elle peut être belle
Quand elle acquiert un corps ! Seul un jet d’étincelles
Vêtait sa nudité, et le jeune Colas

Se sentit défaillir à tant s’émerveiller
De l’absolue beauté de ses seins, de ses fesses…
Lumineuse et dorée, la sublime déesse
Nageait sans soupçonner qu’un jeune homme l’épiait.

Celui-ci, maladroit, fit craquer un rameau
Du vieux saule chenu choisi comme cachette.
Et alors que montait, à trop perdre la tête,
Cet émoi éprouvé par tous les gars normaux,

Il ne put s’empêcher de pousser un soupir
Alertant l’astre d’or ; qui, crachant de colère,
Reprenant sur le champ sa forme circulaire,
Corrigea le manant en lui faisant subir

Un châtiment cruel : notre pauvre berger
Se retrouva sitôt transformé en hibou…
C’est depuis, qu’au printemps, le lamentable fou
Conjure son bourreau de daigner alléger

Son terrifiant arrêt ! Hululant tristement
Afin que cesse enfin la redoutable épreuve,
Notre pauvre nigaud gémit pour que s’émeuve
L’astre doré si froid dont il se crut l’amant.

A propos Vette de Fonclare

Professeur de lettres retraitée, a créé un site de poèmes dits "classiques", pratiquement tous voués à la Provence.
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