Une course ? Impossible de l’envisager,
Car ces yachts du Vieux Port ont perdu leur allure
De conquérants des mers. Et malgré leur voilure,
Etouffé tout espoir de jamais voyager.
Certains ne savent plus ce qu’est la haute mer !
Exposés pour montrer fortune et réussite,
Peut-être souffrent-ils d’un chagrin que suscitent
La mer tellement proche et ses relents amers ?
Ils tanguent juste un peu quand le vent souffle fort,
Qui pourrait abîmer l’opulente richesse
De leur coque vernie, sans leur donner l’ivresse
De bondir sur les flots en s’enfuyant du Port,
De goûter pour de vrai ce qu’est la liberté.
Marseille les enserre, et le bruit de la ville
Est le seul qui parvient jusqu’à leur pont tranquille
Où parfois un marin d’opérette est posté.
Rutilants de couleurs, tellement beaux à voir,
Ils ressemblent un peu à ces tristes maquettes
Dormant à tout jamais derrière une étiquette
Au fond d’une vitrine éteinte dès le soir
Quand le gardien s’en va. Ils n’existent pas plus !
Ils sont beaux, luxueux, ils suscitent l’envie,
Ignorant à jamais ce qu’est vraiment la vie,
Et contemplant de haut les modestes pointus*
Impatients de pêcher dès le lever du jour ;
Sautillant sur les flots, ivres d’impertinence
Et de témérité, et dont l’irrévérence
D’impudents moussaillons leur rappelle l’amour
Qu’ils avaient pour la mer quand ils furent conçus…
Les yachts huppés du Port doucement dodelinent,
Comme certains bourgeois parvenus se dandinent
Pour montrer à autrui leur triomphe cossu.
* Petits bateaux de pêche typiques de Marseille
Bravo Vette pour cette ode aux riches et aux pauvres des bateaux de la mer !