Conte d’un mois d’avril

J’ai acheté un mas à Cornillon-Confoux,
Une vieille bastide avec un charme fou,
Ne coûtant presque rien – une quasi-misère
Dont j’ai vite compris l’indélicat mystère :

En effet au printemps l’on entend au grenier
Le piétinement vif de petits pieds légers.
Toujours début avril, quand au jardin éclosent
Les tout premiers bourgeons et les premières roses.

Promeneurs effrayés, possibles acheteurs :
L’on fuyait la maison car on avait trop peur
De cette diablerie la rendant invendable,
En faisant pour longtemps un logis invivable.

C’est un Vieux plus loyal qui m’a dit que jadis
Vivaient ici des gens dont le plus jeune fils
Tomba un jour d’hiver du haut de la faîtière,
Emportant avec lui la joie et la lumière

D’une famille brisée qui n’oublia jamais
Ce tout petit enfant que tout le monde aimait.
Il m’a aussi conté que son ombre enfantine,
Ne pouvant plus quitter la maison assassine,

La hante depuis lors. Mais que c’est au printemps
Que le petit garçon, se rappelant le temps
Où il vivait heureux avec ses père et mère,
Cherche à les retrouver, Une folle chimère

Puisqu’il faudrait alors que quelqu’un, un bon coeur,
L’entraîne hors du grenier, faisant fi de sa peur !
J’ai alors décidé de lui ouvrir la porte
En tentant sans trembler de lui prêter main-forte.

Je suis allé le voir et j’ai tendu la main
Au spectre minuscule : un fragile gamin
Qui l’a sitôt saisie pour rompre enfin le charme.
Ses yeux désincarnés ont versé quelques larmes

Et puis, disparaissant dans une brume étrange,
Il a enfin rejoint le royaume des anges.

A propos Vette de Fonclare

Professeur de lettres retraitée, a créé un site de poèmes dits "classiques", pratiquement tous voués à la Provence.
Ce contenu a été publié dans A la maison, Chez nous, Cités provençales, Contes, Les gens, Printemps. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *